dimanche 25 mars 2012

Le choix de la méthode

Quand j'ai pris ma classe de CP, il n'y avait pas de méthode alphabétique qui me convenait. En m'inspirant de la méthode du Docteur Ghislaine Wettstein-Badour, j'ai construit ma méthode en suivant à peu près la même progression dans les sons. Comme dans toute méthode alphabétique j'ai commencé par les voyelles et tous les 2 jours j'ajoutais une consonne, avec de temps en temps une petite pause pour bien assimiler et pouvoir continuer sur des bases sûres. En même temps mes élèves apprenaient à écrire chaque lettre. Avec les lettres vues, les enfants lisaient des syllabes, puis des mots,des phrases et des textes. Le principe de la méthode est de ne jamais faire lire à un enfant des mots dont il ne connaît pas les lettres. C'est simple, logique mais un peu contraignant car il faut créer soi-même les textes au moins pendant les 4 ou 5 premiers mois. Ensuite on peut trouver des histoires et expliquer les quelques sons non appris qu'on reverra plus tard, ceci pour faire lire des textes un peu plus long.
    Personne ne peut empêcher un enseignant de choisir sa méthode, il y a seulement une pression de la hiérarchie, inspection + direction, pour l'utilisation d'une méthode mixte. La méthode est un sujet sensible, j'ai utilisé ouvertement la méthode alphabétique sans en parler, sans en faire un sujet de débat. Mes collègues sympathiques me proposaient parfois un exercice de lecture qu'elles avaient fait faire à leurs élèves, je le refusais en leur expliquant qu'il ne correspondait pas du tout à ma méthode, ce qu'ils avaient du mal à comprendre. Je refusais aussi les évaluations imposées par l'inspection car les enfants devaient reconnaître des mots globalement.
   Une collègue de CP qui avait mes élèves à l'étude s'est étonnée un jour et m'a dit:" Françoise, tes élèves, ils lisent vraiment?". Je lui expliqué que c'était mon objectif mais elle ne s'est pas posé de questions sur ce qu'elle faisait. Une jeune institutrice qui arrivait pour prendre un CP m'a dit: "Je sais que tu as raison mais,moi, je n'ose pas". Une autre pensait que je faisais exprès de prendre une méthode différente pour embêter tout le monde, la directrice aurait voulu que les 4 classes de CP aient la même méthode.
   Ma voisine de classe qui avait un CE2 et pensait que ma méthode était bonne, m'envoyait en douce ses élèves qui savaient à peine lire et qui suivaient ma séance de lecture le matin quand c'était possible. Si nous avions demandé l'autorisation, nous ne l'aurions pas eue et ces enfants n'auraient pas fait de progrès en lecture.
  Un dernier exemple, je ne peux tout raconter: un instituteur de CM très sympathique mais qui ne comprenait pas qu'on puisse apprendre à lire comme je le faisais m'a exposé, en fin d'année, le problème de son neveu qui sortait de CP sans savoir lire. Il était étonné car ses parents lisaient, il était dans un milieu au moins culturellement favorisé, il était suivi etc ..; Je lui ai dit qu'il n'avait rien compris, que l'apprentissage de la lecture avait peu de choses à voir avec le milieu social, que son neveu avait besoin qu'on lui explique le code, c'est tout, et qu'il fallait tout recommencer pendant les vacances et avec une méthode alphabétique.
 

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